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(1574 - 1616)
" La notice religieuse, historique et statistique de la paroisse et de la ville de Monflanquin " (1) - rédigée ,en 1841, "par lordre de monsieur lévêque dAgen" - dresse un inventaire précis des noms des consuls successifs à Monflanquin de 1574 à 1616 Dans ce manuscrit, qui brosse un large tableau récapitulatif de lhistoire locale (2) lauteur prend soin de faire, sur quelques pages, une énumération dont on ne retrouve pas trace ailleurs. Doù son importance.(3) En effet le premier intérêt de cette liste globale est que lon nen possède ni les originaux ni une copie dans les archives départementales, ce qui laisse supposer que déposés à la Mairie de Monflanquin au XIX° siècle ils ont disparu depuis. Il est donc important den assurer la sauvegarde par un travail de simple transcription. Le second intérêt de cette liste réside dans le fait que, exhaustive sur une période de trente ans, elle permet de saisir dune part le mode de fonctionnement de la jurade et dautre part la représentativité au plan administratif local des notables de lépoque. La question se pose en particulier de savoir si la charte de 1256, et principalement son article 13, reste une référence densemble pour la gestion de la ville ou si au contraire la rupture de 1574, avec la prise de Monflanquin par les protestants, a radicalement transformé les données de cette gestion. Somme toute, cela revient à poser le problème : comment la société protestante en place sy est-elle prise pour gérer la jurade et, par là même, la ville de Monflanquin ? * * * Lanalyse de la liste des Jurats de Monflanquin sur une trentaine dannées donne quelques indications intéressantes sur le fonctionnement de la jurade de Monflanquin.
1°- Le nombre de six consuls : Les six consuls sont prévus dès la mise en place de la Bastide. En effet la charte de 1256 prévoit en son article 13 : " les consuls de ladite ville seront renouvelés chaque année, le jour de la fête de lAssomption. Nous, ou notre bayle, devrons ce jour là : élire et installer six consuls catholiques choisis parmi les habitants de ladite ville que nous jugerons et estimerons les plus honnêtes et les plus utiles aux intérêts de la communauté et aux nôtres ". (4) La liste de 1574 à 1616 atteste que ce nombre de six consuls est encore respecté trois siècles après.
2° Le renouvellement annuel des consuls : Autre disposition prise en 1256 et toujours en pratique aux XVI° et XVII° siècles : le renouvellement annuel des consuls. Le texte initial est toujours appliqué à la lettre puisque les consuls sont intégralement remplacés chaque année, sans que les consuls sortants aient le droit de revenir à la jurade lannée même de leurs descente de charge. Il leur faut attendre au moins un an avant de penser à un retour. Une exception pourrait confirmer la règle. La présence de Sarrau Jean en 1601 et 1602. A cela près que les Jean sont pléthore dans la famille Sarrau (5) ; ce que prouve dailleurs lannée 1593 où deux Sarrau Jean se retrouvent inscrits en même temps. Il est dès lors logique davancer que lexception est illusoire et que nous nous trouvons en présence de deux Sarrau différents en 1601 et 1602, dans le respect de la règle intangible. 3° Le renouvellement à lAssomption : Larticle 13 stipule que le renouvellement seffectue à lAssomption cest à dire à la mi-Août. La mention qui accompagne le relevé de 1574 laisse à penser quil en va toujours de même jusquen 1574. " Catalogue des consuls qui ont été élus après la prise de Monflanquin qui fut le dernier dAoût de lannée 1574. Dans la même année et le jour de la St Michel furent élus discrètes et honorables personnes "
En 1574, la ville de Monflanquin est donc tombée aux mains des Protestants qui sassurent la direction de la jurade par une nomination de consuls, à la St Michel cest à dire le 29 Septembre et non plus le 15Août.
1° Le renouvellement à la St Michel : Cette date décalée par rapport aux instructions de la charte qui prévoyait lAssomption, semble être devenue la référence à la place de la précédente. En effet une décision royale prise en 1582 précise " les susdits consuls (de lan 1581), à cause de lédit du Roi, furent élus pour être continués jusquau 1° janvier, auquel jour lélection des consuls de la présente ville se devait faire conformément au susdit édit, et partant demeurèrent en charge quinze mois "....(1) Pour quil y ait quinze mois au 1° janvier il faut bien que la St Michel soit restée après 1574 la date de changement des consuls. Lhypothèse a le mérite de sinscrire dans la logique du conflit en cours : En 1574 les protestants prennent la ville aux dépends des catholiques. Comment ne préféreraient ils pas célébrer le jour de leur premier accès à la jurade plutôt que celui à la gloire de la Vierge Marie.....Dans la même logique le choix du 1° Janvier pourrait bien correspondre à la volonté du roi de calmer les esprits, en prenant une date neutre sur le plan religieux et significative pour la seule société civile... Il faut noter surtout que cette décision du roi a été suivie deffet dans une ville entièrement protestante. 2° Les Protestants maîtres de la jurade :Lannée 1574 est donc marquée par un renversement brusque de la représentativité des communautés dans la juridiction, au point que pour garantir leur succès les protestants préfèrent nommer un gouverneur en la personne de M° de Boudou. Dés lannée suivante la charge de premier consul est rétablie au profit de Dutil Jean sieur de lOustalnéou, un Dutil comme M° de Boudou lui-même. Le passage à la normale se fait donc avec précaution, sous le contrôle dune famille sûre. " Passage à la normale ", à cela prés que la charte de 1256, toujours respectée jusquici sur ce point, prévoyait six catholiques. Or à partir de 1574 la jurade est dirigée par six protestants, à la grande irritation des catholiques de la juridiction qui nauront de cesse de revenir à la tête de ladministration locale.Le renouvellement annuel des consuls ne doit pas masquer la permanence de certaines familles soit par le retour dun même personnage soit par la succession de membres dune même famille.
1° Le retour de certains personnages : Lobservation des listes, sur lensemble de la période, permet de constater que certains consuls reviennent au cours des années.
Pour mieux suivre le phénomène sur les tableaux ci-joints, il suffit daccompagner dun * les noms des consuls qui venus pour la première fois à la jurade y reviendront par la suite. De même il est intéressant de surligner les noms des récidivistes avec mention des années précédentes, [70] par exemple, pour mieux distinguer la stabilité des notables locaux. Seules les trois premières années 1574, 1575, 1576 nont pas de "récidivistes", si lon peut ainsi sexprimer ; chose normale puisque pour la première fois des protestants accèdent à la jurade. Mais sur les dix huit noms mentionnés durant ces trois années, il faut prendre en compte que dix reviendront à la jurade, cest à dire plus de la moitié. Il en sera de même tout au long de la période. Ce retour des mêmes responsables explique que les jurades successives ont dans leur rang un certain nombre danciens qui assurent la stabilité de lappareil administratif grâce à lexpérience acquise précédemment. En dehors des trois premières années mentionnées il nen est pas une où il ny ait au moins un " ancien ".... et certaines années il sen trouve cinq sur six responsables. 2° Une sorte doligarchie : Autre aspect évident à la lecture des listes : la représentativité de certaines familles. Les Dutil de Boudou, les Bequays, les Sarrau, les Persy, les Paloque, les St Léger..... Ce sont là des noms de familles en voie danoblissement, et souvent alliées entre elles par mariages. Ce nest donc pas un hasard si le titre de premier consul leur revient invariablement au fil des ans. Mais dautres familles les entourent, à linstar des Fort, des Dufraysse, des Contenjou, des Lacroix, des Boyé ..... Parfois dailleurs unies elles aussi aux précédentes par des liens de mariage. Ainsi se dessine à Monflanquin une oligarchie dont les ressources proviennent de la terre, source danoblissement au même titre que les offices achetés essentiellement dans le domaine juridique. Avec, à lintérieur de ce groupe, une hiérarchie signifiée par le rang auquel peut aspirer chacun une fois consul : par exemple les Bequays sont au premier rang tandis que les Fort se voient réserver les rangs de cinquième ou sixième consul. Donc : tous ensemble mais chacun à sa place ; comme le veut la société de lépoque quelle soit dobédience catholique ou protestante. Pour être complet il faut remarquer que certains noms ont été retenus par lhistoire locale : Dutil, Bequays etc. déjà mentionnés ci-dessus, tandis que dautres mériteraient un supplément de recherches pour mieux les situer. Qui sont en effet les premiers consuls (donc personnages influents de leur temps) qui ont pour nom : Lamotte André, Calcat François, Canet Pierre, Pauly Pierre, Gilbert Pierre, Martin Pierre, Bessoly Jean, de Panit Léger, de Menou Pantaléon, Guérin Arnaud, Lidon Pierre pour ne citer que ceux-là. Quel est le poids de leurs familles dans la société monflanquinoise ? Tout un ensemble de questions qui ouvre un véritable chantier de recherches sur lhistoire locale. * * * Cette rapide prise en compte de la liste des consuls de Monflanquin de 1574 à 1616 apporte un élément de réponse aux questions initiales concernant la jurade.Ainsi il apparaît nettement que le texte de la charte de 1256 reste une référence de base pour les contemporains du XVI° et XVII° siècles, mais que la prise de Monflanquin par les protestants en 1574 entraîne quelques modifications sensibles dans un certain nombre dapplications et principalement de son article 13. Ces modifications ne remettent pas fondamentalement en question la jurade. En fait elles ne font que participer au remplacement de lancienne oligarchie catholique par une nouvelle oligarchie protestante aux commandes dun mode dadministration locale qui lui nest guère transformé. Odo Georges SLA 19972 - Odo G. "La notice historique de 1841" - SLA 1995 n° 360 retour3 - Tholin G. et Bonnat R. "Inventaire Archives du Lot et Garonne" - Agen 1898/1932 : relevé exhaustif, avec résumé étoffé, de l'ensemble des cahiers de la jurade. retour- Bourrachot "Extraits des registres de la jurade, 1635-1641" - Agen 1962 - polycopié - Odo G. "Extraits des registres de la jurade, 1635-1641" - SLA 1983/85 n° 218/232 - Odo G. "Extraits des registres de la jurade, 1654-1687"- SLA 1995 n° 353/355 4 - Odo Georges "Monflanquin bastide du XIII° siècle" - SLA 1994 n° spécial retour5 - Odo Georges "Claude Sarrau de Boinet" - SLA 1988 n° 271/272 retour SLA index 1965 . 2000
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