- .
*
*
*
Annoncer : "Monflanquin, Bastide Alphonsine - type du Haut Agenais"
c'est en quelque sorte proposer d'étudier un cas particulier pour essayer de comprendre
le phénomène général des Bastides alentour, c'est tenter de saisir au travers d'un
exemple précis ce qui fait l'originalité d'un ensemble.
.
Peut - on aller jusqu'à parler d'un modèle des Bastides. Ce serait excessif,
d'abord parce qu'indiscutablement il existe des nuances sensibles entre les différentes
Bastides et qu'il y a lieu plus que jamais en ce domaine de se méfier d'une démarche
théorique réductrice, ensuite parce que d'autres Bastides pourraient à bon droit
prétendre à un tel qualificatif s'il y avait lieu de l'accepter.
.
Il s'agit donc seulement d'appréhender d'une part toutes les
caractéristiques,
d'une Bastide
du XIII° siècle du Haut Agenais, que possède Monflanquin et d'autre part
ce qui lui donne une spécificité Alphonsine.
.
Car si Monflanquin n'est pas le modèle des Bastides, elle n'en est pas moins une
Bastide Alphonsine - type.
*
*
*
Il est certain que les historiens trouvent en Monflanquin une
série d'éléments, d'actions et conditions liés couramment à l'apparition des
Bastides.
.
.
La date de création et le "décideur" offrent un
premier point de repère intéressant. En effet le mouvement de création des quelques
trois cents bastides du
Sud
Ouest de la France peut, pour la facilité de la compréhension du mouvement, être
réparti en cinq groupes en fonction de ces deux critères :
.
- Les bastides des Comtes de Toulouse, avec Cordes dès 1222
(bastides ?).
- Les bastides d'Alphonse de Poitiers dont Monflanquin en 1256
- Les bastides des Rois d'Angleterre dont Monpazier e 1284
- Les bastides des Rois de France avec Domme dès 1281
- Les bastides de Seigneurs et Abbayes
.
Si l'on veut comprendre ce qui distingue ces groupes les uns des
autres, il est indubitable que le paréage est l'un des paramètres à retenir. Après la
période des comtes de Toulouse, la
fondation
d'une bastide résulte en effet de la signature d'un contrat entre le seigneur
"souverain" qui se réservait seul le droit d'autoriser une telle création et
un ou plusieurs associés, seigneur laïque ou Abbé qui apportaient la terre. Ce contrat
constituait le "paréage".
.
Le paréage était donc une association, souvent conclue à
perpétuité. Il prévoyait le partage des revenus entre les contractants. En même temps
il organisait le lotissement de la bastide et les redevances que devaient acquitter les
détenteurs de chaque lot : que ce soit intra-muros, dans les jardins autour de la bastide
ou plus loin pour labourer ou faire de la vigne.
.
Ce contrat de Paréage n'avait pas été utilisé par les comtes
de Toulouse Raymond VI et Raymond VII
S
qui avaient privilégié la pure spoliation, parfois l'achat. Par contre les
historiens nous disent que, lorsqu'il s'agissait de fonder des bastides, Alphonse de
Poitiers préférait acquérir le territoire destiné à ces fondations par achat, et
qu'il passait par un paréage seulement quand nécessaire, plutôt que de spolier comme le
faisaient ses prédécesseurs. Il y a dans ce respect des formes juridiques innovation de
la part d'Alphonse de Poitiers (1) mais, il faut le rappeler, parfaitement en concordance
avec les principes de son frère Louis IX.
.
Dans le cas de Monflanquin précisément, le texte signé à
Tournon en 1252 par Alphonse de Poitiers - déposé au Record office de Londres - souvent
mentionné (2) jamais publié, semble être une pure et simple cession de la part
des co-seigneurs de Calviac à leur suzerain. Dans l'état actuel de nos connaissances
tout porte à penser que la "montagne de Monflanquin" a été cédée à
Alphonse de Poitiers sans paréage.
.
Achat donc aux co-seigneurs de
Calviac. On connaît l'un d'entre eux grâce aux Hommages rendus au Roi de France, en
1259, par les seigneurs de l'Agenais : Guilhem Raymond des Pins (3) dont on trouve
déjà mention dés 1242 quand Raymond VII vient à Bordeaux pour un traité offensif et
défensif avec le Roi d'Angleterre. Traité auquel adhère Guilhem Raymond des Pins
seigneur de Caumont. (4)
.
En 1259, Guilhem prête par contre hommage au nouveau Comte de
Toulouse Alphonse de Poitiers pour ses possessions de Calviac, Birac, et l'important poste
de péage de Taillebourg sur la Garonne, pour des biens au Frechou et à Moncrabeau, des
parts de Châteaux de Torrebren et de Sendets en dehors de l'Agenais... Soit un domaine
très distendu mais qui en fait un riche et puissant seigneur du Sud Ouest.
.
Il ne serait pas inintéressant de suivre Guilhem dans sa
démarche : en 1242 il est avec les Plantagenets à Bordeaux et en 1252 il cède
Monflanquin à un Capétien. Sa ligne majeure daction semble se situer dans le
maintien de relations privilégiées avec les Comtes de Toulouse que ce soit Raymond VII
dans un premier temps ou Alphonse de Poitiers par la suite. Apparaît ici toute la
complexité des relations féodales au XIII° siècle.
.
Mais l'essentiel pour nous aujourd'hui est bien de constater que
le mode de règlement du statut juridique de la propriété de la Bastide de Monflanquin
en fait un cas exemplaire de la méthode Alphonsine puisqu'il n'y a pas paréage mais
cession.
.
Les Réactions vis à vis de la
Bastide.
.
Malgré la démarche d'Alphonse de Poitiers respectueuse des
formes juridiques, l'implantation des Bastides n'en provoque pas moins des réactions,
classiques à force de se reproduire.... et dont nous retrouvons la manifestation à
Monflanquin de façon exemplaire.
.
C'est en premier lieu l'attitude méfiante sinon hostile
des seigneurs voisins de la Bastide naissante..... En 1253 l'année même de la gestation
de Monflanquin et des Ordonnances de Réformation de l'Agenais légiférant sur les
Bayles, les Barons de l'Agenais, inquiets de la construction des villes neuves qui
causaient la dépopulation de leurs seigneuries, veulent qu'on précise les cas où leurs
hommes peuvent les quitter. La tension entraîne la convocation d'une Assemblée, la
première du genre, où le Sénéchal prendra conseil de ses administrés. (5)
.
Cette réaction nobiliaire à l'encontre des baylies sera
constante et s'exprimera aussi bien en 1253 qu'en 1270 ou en 1279; c'est à dire aussi
bien au temps des Capétiens que des Plantagenets.
.
C'est en second lieu la masse d'interventions de la part de
seigneurs qui affirment leurs droits sur la Bastide..... En Mars 1253 quatre enquêteurs
d'Alphonse de Poitiers passent en Agenais.(6) L'Article 21 de leurs ordonnances règle un
problème de cette nature : " Comme nous ne reconnaissons pas comme acquis le droit
que les nobles disent avoir, Pons Amanieu sur Monclar et Haymeric de Ravegiano sur
Monflanquin, nous procéderons à une enquête par nous-mêmes ou par l'intermédiaire
d'autres personnes, sur leur droit quant aux lieux où les Bastides ont été
construites". (7)
.
C'est en troisième lieu la série de litiges à régler à
propos des limites de la Bastide avec ses voisines limitrophes..... En 1256 Monflanquin a
reçu cinq paroisses prises sur Penne, à savoir Condezaigues, Le Pin, St Aubin, Rouets,
Savignac en plus d'une moitié du château de Monségur.... En 1270 les consuls de Penne
et de Monflanquin en sont encore à se disputer sur la délimitation adoptée à l'origine
et expriment leurs doléances devant les conseillers du Comte qui admettent la
possibilité d'une révision par voie d'arbitrage. (8)
.
C'est en quatrième lieu C'est en quatrième lieu l'ajustement des droits et devoirs
de chacun dans le cadre de la Baylie :
.
- D'abord les habitants du District, c'est à dire de la campagne,
qui réclament l'égalité avec ceux de la Bastide..... Au mois de Mars 1269 Alphonse de
Poitiers, Comte de Toulouse, fait savoir, par lettres patentes , que "comme une
affaire ne doit pas être soumise à une espèce de double droit, nous voulons et
concédons que les habitants de la Bastide habitant hors des murs mais dans son territoire
paient seulement pour droit de justice deux sous et six deniers, tout comme les citadins,
pour les cheminées construites jusqu'à ce jour en ce territoire". (9)
.
- Ensuite les seigneurs qui contestent bien au contraire cette
égalité de traitement.... Le 22 juin 1269 le comte de Toulouse adresse au Sénéchal
d'Agenais trois mandements en faveur des trois frères Arnaud, Pierre et Henri de Gontaud
seigneurs de Biron. Ces seigneurs avaient déposé auprès du Sénéchal une plainte
contre les habitants de Monflanquin qui voulaient les obliger eux et leurs hommes à payer
la collecte pour la construction de la ville. Le comte mande à son Sénéchal d'entendre
diligemment les parties adverses et de faire prompte et bonne justice.(10)
.
.
Une telle création, entre Lot et Dordogne, s'inscrit dans un espace
géopolitique précis dont le centre est Toulouse. L'observation d'une carte montre en
effet que Monflanquin est partie prenante d'une série de Bastides et de Baylies qui pour
la plupart se situent en écharpe par rapport au Centre/ Capitale que se trouve être
Toulouse.
.
Le mouvement de création de Baylies Alphonsines dans le comté de
Toulouse est constant depuis l'arrivée d'Alphonse de Poitiers jusqu'à sa disparition :
.
1249 - A ce moment là il n'y a que 7 Baylies en Agenais et
toutes en deçà du Lot...
1257 - Le nombre de Baylies est passé à 12, les nouvelles
étant essentiellement au-delà du Lot...
1269 - On décompte 16 Baylies.
1271 - A la mort d'Alphonse de Poitiers, l'Agenais est
divisé en 18 Baylies..... l'ensemble de l'Agenais est structuré!
.
Il est ici manifeste qu'au XIII° siècle, pour combler le vide
qui sépare les hameaux, villages et les villes anciennes au maillage très distendu, le
pouvoir en place créée des bastides et leur adjoint l'espace économico-administratif
que sont les Baylies.
.
La Bastide et la Baylie de Monflanquin en 1252/1256 illustrent
cette volonté politique d'Alphonse de Poitiers de mieux répartir dans l'espace du Comté
de Toulouse les fonctions administratives et de les mettre à la portée des ruraux, tout
en apportant réponse aux besoins de mise en valeur du sol environnant. (11)
.
En fait sur le plan chronologique la Bastide et la Baylie de
Monflanquin inaugurent au-delà du Lot la politique Alphonsine de mise en place d'un
réseau de relais entre la ville/ Capitale en l'occurrence Toulouse et les bourgs et
villages de la juridiction.
Notons que pour atteindre son objectif, Alphonse de Poitiers
n'hésite pas à opérer une brèche dans le système féodal en reconnaissant l'existence
juridique des Consuls représentatifs de la Bourgeoisie, cette classe sociale qui émerge
au XIII° siècle.
.
Sous la pression d'une telle politique, l'espace géopolitique
Toulousain, dans lequel s'inscrit la Baylie, voit ses perspectives historiques
basculer.... La croisade contre les Cathares
S
n'avait pas réalisé le rêve du pape Innocent III d'un Etat théocratique, ni
l'espoir de la famille d'Aragon d'un royaume "méditerranéo - pyrénéen", la
monarchie capétienne ayant tiré les marrons du feu. Dorénavant le Comté de Toulouse
est aspiré dans l'orbite de l'impérialisme des puissances du Nord où Plantagenets et
Capétiens sont en compétition. (12)
.
La baylie de Monflanquin symbolise cet arrimage par Alphonse de
Poitiers de l'Occitanie au royaume capétien.
.
La Grande Baylie.
.
Autre caractéristique de cette Baylie de Monflanquin c'est sa
dimension somme toute conséquente, ce qui est la marque des Baylies Alphonsines. Pour
s'en convaincre il n'est qu'à la comparer à sa voisine Monpazier.
.
La Baylie de Monflanquin c'est, en 1256, quarante et une paroisses
(13) reliant le bassin du Dropt à celui du Lot, couvrant à la fois les terres
sidérolithiques forestières du Nord Est autour de Gavaudun aux terres marno-calcaires
cultivables du Sud Ouest : véritable prise en compte d'un espace vide pour s'y installer
en plein au milieu de terres ouvertes aux ambitions des Seigneurs de Biron, Gavaudun,
Cancon, Penne et Fumel. La volonté de disposer d'une grande Baylie allant jusqu'au Lot
est manifeste quand on sait que cinq paroisses vont être prises à la juridiction de
Penne pour être intégrées à celles de Monflanquin.
.
Ce qui frappe en outre, à l'observation d'une carte, c'est
l'équidistance à laquelle se retrouve la Bastide des principales rivières de son
environnement : le Dropt et le Lot d'une part, la Lémance et le Tolzac d'autre part. Sans
oublier son positionnement sur la diagonale que représente la Lède à l'intérieur de ce
quadrilatère géographique. Ainsi placée la Baylie s'inscrit dans un espace
pré-défini, prolongeant la rationalité que l'on découvre par ailleurs dans l'urbanisme
mis en uvre dans la Bastide.
.
La Bastide et la Baylie par leur conception illustrent pleinement
la démarche volontariste qui est le propre des créations Alphonsines.
.
De plus, il est intéressant de constater que la dimension de
cette Baylie décidée en 1256 sous-tend encore de nos jours l'espace que gère le canton
de Monflanquin. Décision volontariste il y a sept siècles dont le choix se voit
confirmé par le temps.
.
Pour gérer ces juridictions, les Bayles.... La plupart du temps
des hommes du pays, en mesure de comprendre la langue d'Oc de la population, afin de ne
pas être coupés des réalités du pays. La difficulté inhérente à ce choix est que
leur famille présente se mêle souvent et malencontreusement de l'administration des
Baylies, en jouant de leur influence. (14)
.
La conduite de ces Bayles laisse à penser que les Sénéchaux
n'apportent pas le plus grand soin à les choisir, peut être parce que les Bayles nommés
à l'année sont tout simplement les mieux offrants.
.
Concessionnaires de leur Baylie ils doivent payer le prix convenu
lors de l'affermage en trois sinon quatre termes égaux au cours de l'année, après avoir
donné au départ une bonne caution pour répondre du paiement. Aussi pour se rembourser,
les Bayles n'hésitent pas à augmenter leur pression sur les sujets des Baylies, soumis
à leur autorité. C'est sans conteste la levée des amendes qui leur donne le plus
d'occasions de commettre des abus, comme le prouvent les registres des enquêteurs.
.
Le problème n'échappe pas à la vigilance d'Alphonse de
Poitiers, attaché à la bonne administration de ses terres. Dés le 6 Mars 1253
l'Ordonnance de Réformation de l'Agenais consacre sept de ses vingt cinq Articles à
préciser les droits et devoirs des Bayles.
.
En Avril 1254 Alphonse de Poitiers signe à nouveau des
Ordonnances de Réformation reprenant le sujet... Il reviendra sur le sujet en 1255 ...et
encore en 1270 avant son départ pour les croisades.
.
Le Roi Louis IX lui-même, pour l'ensemble du Royaume, signe en
Décembre 1254 la Grande Ordonnance où l'on retrouve dans leurs grandes lignes les
dispositions prises par son frère Alphonse de Poitiers dans les textes précités. (1)
.
C'est dire si les deux frères ont tenté de prévenir les abus.
Mais ils ont conservé le système de l'affermage des Baylies parce qu'il représentait
des avantages certains pour la rentrée rapide et assurée de revenus. Aussi, malgré
toutes les précautions, la nomination des Bayles a pérennisé la remise d'une partie des
pouvoirs publics entre les mains de fermiers peu scrupuleux.
.
.
accordée en 1256 par Alphonse de Poitiers, se place dans la
perspective des Ordonnances de 1253-1254 et de leur désir d'améliorer le système.
Nombre d'Articles de la
charte
méritent mention à cet égard :
.
.
- L'Article 5 - stipule que le Bayle ne pourra citer aucun
habitant de cette ville hors des limites de la juridiction pour des faits passés dans
l'étendue de ses possessions.
.
- L'Article 12 - précise que le Bayle observera les
coutumes et statuts de Monflanquin, approuvés par la Charte.
.
- L'Article 31 - interdit au Bayle de recevoir ni les frais
de justice, ni les gages jusqu'au jour où il aura fait exécuter le paiement de la chose
jugée.
.
- Toute une série d'Articles - énumèrent en outre le
montant des amendes à verser en fonction des délits. Ce qui limite les appréciations
excessives de la part du Bayle.
Pour accompagner l'observance de ce texte et de ses dispositions,
la Charte instaure une sorte de "témoin actif" face au Bayle: la Jurade. En
effet chaque année, le jour de l'Assomption, le Bayle doit "élire" et
installer six consuls catholiques choisis parmi les habitants de la dite ville.
.
C'est dans le cadre de cette Charte de 1256 que la Baylie de
Monflanquin associée à celle de Monclar, échoit en commande double à Bernard Archerii
pour l'année 1257. Bernard Archerii le premier Bayle de Monflanquin.(11) Mais Guillaume
de Rampous sera ensuite le premier bayle de la seule bastide de Monflanquin (14)
.
.
.
En Juin 1256 à Vincennes est signée, par le Sénéchal Guillaume
de Bagnols au nom de Alphonse de Poitiers, la Charte des Coutumes de Monflanquin et de
Monclar riche de 37 Articles, dont on peut faire l'une des références des Chartes à
venir dans le Haut - Agenais.
.
En effet la classification de JP. Poussou distingue quatre
Types de Chartes dans l'Agenais : (16)
.
- 1) Le type d'Agen où les Chartes reproduisent l'essentiel des
Coutumes d'Agen.
- 2) Le type Monflanquin / Monclar / Ste Foy la
Grande.
- 3) Le type Castelsagrat.
- 4) Le type de Montjoie : Charte isolée.
.
Il apparaît donc que l'intérêt de la Charte de Monflanquin est
d'être, avec celle de Monclar, la première d'une série de 12 Actes de même formulation
signés entre 1256 et 1270 sur l'ensemble de l'Agenais. Autant dire que 28% des Chartes
Alphonsines en Agenais ont été influencées par la Charte Monflanquin / Monclar, à
savoir :
- Monclar - Artus - Monflanquin - Granges - Ste Foy la
Grande - Lauzun - Castillonnés - St Barthélémy - Castelnau sur Gupie - Laparade -
Miramont - Lacenne (disparue)
.
.
.
portent sur quelques éléments répertoriés comme suit :
.
1) Les libertés politiques où les limites du pouvoir
Comtal sont définies avec soin.... Le pouvoir d'intervention du Bayle, représentant et
défenseur des prérogatives du Comte Alphonse de Toulouse, est dûment circonscrit.
Grande nouveauté en outre: la reconnaissance des Consuls choisis proposés par la
Bourgeoisie du lieu.
.
Allant plus loin, Alphonse de Poitiers ouvre la voie à
l'auto-administration locale dans la mesure où, Art.13 : "les consuls auront le
pouvoir de réparer les rues, les chemins, les ponts et de lever sur les habitants de la
ville les frais et dépenses occasionnés par les susdites réparations ou par d'autres
entreprises communes nécessaires et d'utilité générale".
.
2) Les libertés civiles accordées donnent à la Charte un
ton plutôt libéral. Le Comte en effet a renoncé Art.1 :au droit d'imposer aux habitants
quête, taille, gîte, ou emprunts sans consentement préalable ... Par ailleurs la
liberté des personnes est garantie, sauf Art.4 pour meurtre .
.
3) Les libertés économiques trouvent leur place dans
cette Charte avec la prise en compte de l'évolution en cours vers plus de commerce et
d'échanges. Certes le contrôle reste de rigueur puisque les denrées destinées à la
consommation et venant de plus de ½ lieue ne pourront être vendues que sur la place :
Art.16... au marché du Jeudi : Art.34... Mais en même temps les foires prévues sont
presque "franches" les étrangers ne payant pour droit de sortie, d'étalage
qu'une somme minime quelque soit le nombre de leurs colis : Art.35... Surtout le texte de
1256 reconnaît le droit à chaque habitant de faire construire à sa volonté un four
dans la Bastide : Art.36; esquivant ainsi le four banal du seigneur.
.
Cet intérêt porté à l'économique s'explique par le souci qu'a
Alphonse de Poitiers de mettre en valeur ses domaines.
.
4) Le droit pénal confirme cette préoccupation
économique par les dispositions prévues. Les sanctions des actes délictueux sont avant
tout des amendes. Car tout se résout par des amendes : les injures : Art. 19, les fraudes
: Art.20, l'adultère : Art.22, les menaces : Art.23, un vol d'objet : Art.24, un vol dans
les champs : Art.25, les dégâts occasionnés par un animal : Art.26, ou enfin l'usage de
faux poids et de fausses mesures : Art.27.
.
Il est symptomatique de la période que tant de problèmes soient
réglés par des amendes : le XIII° siècle est le siècle où la circulation monétaire
est croissante dans l'économie d'échange en voie de renforcement, où le rôle de
l'argent apporte un élément nouveau dans les rapports sociaux.
.
Au total, un ensemble de caractéristiques à prendre en
considération avec la plus grande attention puisque la Charte de Monflanquin a fortement
influencé le Haut Agenais. En ce sens la Charte de Monflanquin ne se présente pas comme
un acte isolé mais bien plutôt comme l'expression de la conception politique d'Alphonse
de Poitiers, de sorte que La Charte de Monflanquin peut être considérée comme la Charte
Alphonsine type.
.
.
la fonction économique
( la fonction économique
(17) est privilégiée dans la Bastide Alphonsine :
.
- D'abord par le choix de l' implantation de la bastide au milieu
de sols environnants aptes aux travaux des agriculteurs que l'on veut attirer, car
nécessaires à l'approvisionnement de la ville : les molasses calcaires du Monflanquinois
répondent à cet impératif. .
.
En la circonstance, l'éco-système naturel du
Monflanquinois va laisser place à un agro-système humain conquérant.(18)
.
- Ensuite par le tracé de la Bastide dont les rues principales
convergent vers la place marchande et aboutissent aux quatre angles afin que le flux des
personnes, des marchandises, des transports ne soient pas une gêne pour les étalages
installés les jours de marché.
.
- Enfin par le système financier dans lequel s'intègre
l'affermage de la Baylie, d'un apport conséquent pour Alphonse de Poitiers si l'on en
juge par les sommes annoncées : (19)
* 140 livres en 1268.
* 160 livres en 1269.
* 200 livres en 1271.
.
- Deux réflexions s'imposent à la lecture de ces chiffres
:
.
1) Sur les 3.351 livres que rapporte au total la Sénéchaussée
d'Agenais, la Baylie de Monflanquin représente donc 6% du total; ce qui situe
l'importance non négligeable de cette Baylie sur le plan financier.
.
2) L'augmentation des sommes encaissées est constante à
Monflanquin comme dans les autres Bastides, sous la pression d'Alphonse de Poitiers qui
reste le plus souvent débiteur de ses banquiers parisiens. La nécessité d'obtenir de
nouvelles ressources a agi comme un stimulant permanent à la création des Bastides et à
l'accroissement des exigences financières qui pesaient sur elles.
.
La
fonction administrative
. La
fonction administrative amplement signifiée par la présence des Consuls et
surtout par l'action du Bayle, conforte la position de la Bastide dans son espace
économique. Une entité Monflanquinoise se consolide de la sorte en associant les
réalités économiques et les impératifs administratifs... Le territoire est pleinement
vivifié sous contrôle du Comte de Toulouse, l'objectif fondamental est atteint ! La
halle qui associe l'aire marchande et la salle des consuls au premier étage est riche
d'enseignement sur le rôle attribué aux acteurs économiques de la juridiction.
.
La fonction militaire n'est donc pas
essentielle dans le cas de Monflanquin tout comme dans bon nombre d'autres Bastides
Alphonsines... Même si l'on ne peut ignorer l'avantage du site choisi en matière de
défense. D'ailleurs les premiers textes en 1256, parlant du "Castrum" de
Monflanquin, dénotent pour le moins un soupçon de préoccupation militaire et posent le
problème de l'existence d'un "Château" à Monflanquin . Mais ce qui prédomine
à l'instant de la création c'est bien la réalisation d'une ville ouverte, correspondant
à la période de paix qu'impose Louis IX.
.
La fonction
militaire prendra nettement le pas une fois la Bastide devenue anglaise, après le
traité d'Amiens (1279). En effet pendant l'été 1282 alors que les Plantagenets créent
la Bastide fortifiée de Monpazier, le Sénéchal d'Édouard I° , Jean de Grailly,
réglera un grave désaccord entre les habitants de la ville et ceux de l'extérieur à
propos de la construction des remparts de Monflanquin qui s'étendront sur mille cent
mètres avec onze tours et quatre portes fortifiées, l'abside de l'église y tenant un
rôle non négligeable.
.
La fonction
religieuse
.La fonction
religieuse ne saurait être absente. L'église Sainte Marie assortie de son *
cimetière délimite fermement son champ d'activité dans un monde qui baigne pour une
grande part dans la religiosité. Elle affirme également l'autorité de l'Evêque d'Agen
en matière religieuse, à un moment où les Ordres mendiants, dont les Augustins
présents aux portes de Monflanquin, sont très actifs.
.
Les Cathares (20) ne sont pas absents des
préoccupations contemporaines. L'Article 13 de la Charte spécifie la place
originale que tient la Bastide Alphonsine dans le conflit religieux du moment en
Occitanie. (20) ne sont pas absents des
préoccupations contemporaines. L'Article 13 de la Charte spécifie la place
originale que tient la Bastide Alphonsine dans le conflit religieux du moment en
Occitanie. Les Cathares (20) ne sont pas absents des
préoccupations contemporaines. L'Article 13 de la Charte spécifie la place
originale que tient la Bastide Alphonsine dans le conflit religieux du moment en
Occitanie.
.
Cet Article 13 précise en effet que les six consuls de la ville
doivent être catholiques, précision qui n'est pas de pure forme en ce XIII° siècle où
l'Occitanie est terre d'accueil puis de refuge pour le Catharisme. En 1249 encore, c'est
à dire cinq ans après la chute de la citadelle de Monségur, quatre-vingts croyants ont
été brûlés à Agen, preuve que des réseaux de solidarité survivent dans la région.
.
Donc, en 1256, lorsque Alphonse de Poitiers accorde sa Charte à
Monflanquin il ne peut que s'inscrire dans la logique de l'Acte Royal de 1254 faisant
obligation de choisir des Bayles non suspects d'hérésie. Il s'agit pour les Capétiens
de mener jusqu'à son terme l'écrasement du Catharisme, déjà fortement avancé avec sa
hiérarchie en exil et ses croyants dans l'angoisse de la délation que favorise
l'Inquisition et des sanctions encourues qui vont jusqu'à la peine de mort. Cette
Inquisition qui associe pleinement Capétiens et Eglise, d'autant plus fortement en
Agenais qu'Alphonse de Poitiers est favorable aux Dominicains, maîtres d'uvre en la
matière.
.
En ce sens, la Bastide de Monflanquin est représentative de
l'alliance des Capétiens avec le clergé catholique pour reconquérir l'Occitanie, la ré
évangéliser... L'Article 13 de la Charte de Monflanquin fait de la Baylie et de sa
Bastide, sous l'autorité d'Alphonse de Poitiers et la menace de l'Inquisition, une
espèce de "Terra Catholica" à préserver de l'hérésie cathare, un
prototype de l' idéal catholique en action si cher à Louis IX.
.
* *
*
.
Ces caractéristiques d'ordre historique s'accompagnent d'un
ensemble de références qui font que les urbanistes accordent Monflanquin le label de
Bastide.(21)
.
Il faut reconnaître que les acteurs mêmes du phénomène des
Bastides furent, au Moyen âge, moins pointilleux sur le vocabulaire que les historiens
actuels. Répugnant à établir des frontières définies entre les termes ( L'Académie
française n'était pas encore passée par-là), ils interdisent aujourd'hui toute
tentative de systématisation. C'est ainsi que certaines bastides "reconnues" ne
bénéficièrent jamais ou seulement tardivement de l'appellation de "Bastida" :
c'est le cas de Cordes qui demeure un "Castrum" dans les textes du XIII°
siècle.... Les textes concernant Monflanquin sont exemplaires à cet égard:
.
1256 - "Littera hominibus Castri de Monfliquino"
, dans une lettre adressée par Alphonse de Poitiers.
.
1269 - Alphonse de Poitiers par lettres patentes du mois de Mars
précise le statut de Monflanquin au moment où il fonde Villeréal. A cette occasion il
utilise le vocable de "Bastide" pour désigner Monflanquin.
.
Ces variations entre Castrum et Bastida ouvrent la voie à deux
hypothèses opposées en ce qui concerne Monflanquin:
.
1) La première, arguant de l'imprécision du vocable, aboutit à
la conclusion d'une Bastide créée sur une montagne libre de toute occupation préalable,
à l'absence d'un Castrum réel.
.
2) La seconde, s'appuyant justement sur la mention de Castrum,
admet l'existence préalable d'un château sur ce site propice à la défense.
Le débat est ouvert, sans élément permettant à ce jour une
version authentifiée par des textes ou des vestiges archéologiques.
.
.
Le plan orthogonal de Monflanquin ignorant totalement la déclivité du
site retenu prouve à l'évidence l'existence d'un tracé préétabli. Pourtant aucun
projet de Bastide ne nous est parvenu sous forme dessinée; on ne sait même pas si les
modèles qui se déduisent de l'examen des tracés, furent seulement exprimés sous une
forme théorique. Se pose donc le problème de la personnalité des concepteurs.
Alphonse de Poitiers semble avoir fait appel dans un certain nombre d'opérations à un
notaire royal d'Agen, du nom de Pons de Maynard, que l'on repère lors du traçage de
Montréal du Gers, à Villeneuve sur Lot, Villefranche du Périgord, Castillonnés et
probablement à Monflanquin . Peut on aller jusqu'à penser que Pons de Maynard est le
concepteur de ces Bastides ? .
Il y a de fortes présomptions en ce sens car toutes les
Bastides dont il a la responsabilité sont établies sur un modèle identique, qu'il ne
sera pas le seul à utiliser; on le retrouve notamment à Monpazier sous la
responsabilité d'un "entrepreneur" Bertrand de Panissel, mais qu'il est le
premier à mettre en uvre dés 1252-1253 à Monflanquin et en 1255 à Montréal.
Dans cette hypothèse Monflanquin devient sous l'autorité de Pons de Maynard le prototype
de la Bastide Alphonsine sur le plan urbanistique !
.
Par ailleurs les documents n'apportent aucune précision sur les
techniques de tracé employées par les arpenteurs et les topographes de l'époque.
De toute évidence le triangle de Pythagore(3-4-5), qui permettait de tracer les angles
droits à l'aide d'une corde à douze nuds, fut largement utilisé. Encore faut
il lire attentivement larticle 10 de la charte qui avance la notion de
parcelles de 4 cannes sur 12. Tout se passe comme si la largeur des rues charretières,
c'est à dire principales, avait constitué la mesure unitaire des arpenteurs.
.
La méthode utilisée, le tracé systématique et la structure
répétitive nous amène à la notion de rationalisation de l'urbanisme.
L'efficacité du plan et la nouvelle esthétique du rationnel qu'il exprime, s'inscrivent
dans un contexte idéologique en mutation lui aussi. Les Ordres mendiants diffusent à la
fois de nouvelles structures de pensée et une architecture nouvelle, le gothique, qui
partout se substitue aux anciennes formes romanes. Au même moment une bourgeoisie
naissante de boutiquiers et de marchands se fait l'écho autour des mesures à grains et
des " maisons de ville " de tout projet visant à exprimer une société ouverte
et égalitaire, susceptible de se substituer aux anciennes sociétés rurales, fermées et
hiérarchisées.(21)
.
La conception rationnelle de l'utilisation de l'espace qui
prend ici son essor, l'Europe l'a utilisée en Espagne, Italie, Suisse, Tchéquie,
Pologne, Grande Bretagne avant de l'exporter à St Louis du Sénégal, au Chili, aux Etats
Unis.....après l'avoir héritée de l'Antiquité dont la connaissance avait été
conservée dans les monastères. L'hypothèse d'une tradition qui relie l'antiquité à la
Renaissance et dont les Bastides constituent un des jalons permet de comprendre sous un
angle nouveau le rationalisme en matière de lotissement urbain, lequel n'est pas né avec
le mouvement moderne, mais procède d'une tradition millénaire où les exigences
d'économie et d'efficacité des tracés, ajoutées aux dimensions constructives usuelles
conduisent à des solutions voisines dans le temps et dans l'espace.
.
Cette prise en considération de l'aspect rationnel qui
sous-tend la construction de la Bastide de Monflanquin illustre la mutation idéologique
en cours qui dépasse l'analogie symbolique ambiante au XIII° siècle.
.
Un tel constat prouve, s'il en était besoin, que le Moyen Age
n'est pas cette "sombre " période d'irrationalité que l'on brosse trop souvent
et que son intérêt pour l'analogie des symboles ne doit pas masquer les symptômes de
rationalité qui l'habitent et dont l'essor se confirmera progressivement.
.
Plan orthogonal sur les deux
générations de bastides :
.
La plupart des * Bastides se répartissent en deux ensembles chronologiques (22),
avec un point commun : le plan orthogonal.
Les Bastides de la première génération, une quinzaine environ établies autour de Montauban entre Tarn et
Aveyron par les comtes de Toulouse au lendemain de la croisade des Albigeois, en sont les
plus représentatives. Elles se caractérisent par une planification souple et discrète,
pliée aux données du relief qui est l'élément structurant prioritaire.
.
Le site de hauteur est souvent privilégié dans les
grandes Bastides de cette génération ; Le réseau de rues et le
parcellaire s'étagent en fuseau selon les courbes de niveau jusqu'à la ligne de crête.
il est à noter que la plupart de ces Bastides caractérisées par leur topographie
défensive furent désignées au Moyen- Age sous l'appellation de "Castrum" (élément à verser au profit de l'hypothèse d'un Monflanquin dont la dénomination de
Castrum n'atteste pas pour autant l'existence d'un château sans
pour autant en ignorer la possibilité).
.
Le site de vallée offre comme contrainte classique
l'obstacle de la rivière, souvent un simple ruisseau, qui induit la présence de deux
directions privilégiées et antagonistes, l'une parallèle, l'autre perpendiculaire à la
rive.
.
Les Bastides de la seconde génération
sont
caractérisées par la cinquantaine de Bastides construites par Alphonse de Poitiers qui a
érigé leurs créations en système..... Aux anciens tracés dépendants des contraintes
du site ou du dénombrement préétabli de la communauté se substituent des programmes
types, rationalisés, systématisés, adaptables à tous les cas de figure rencontrés,
plus conformes à une politique véritable d'urbanisation qui elle-même se
systématise.(22)
Dans cet ensemble de la deuxième génération on peut distinguer:
.
- Le modèle Quercinois, dit en arête de poisson en raison
de sa rue centrale sur laquelle viennent se greffer le parcellaire en lanière et les
petites rues secondaires.
.
- Le modèle gimontois, dans lequel une voie axiale
traverse la place centrale, l'Église étant excentrée, nettement séparée de la place.
.
- Le modèle gascon. Le seul trait caractéristique de ce
modèle, moins nettement défini que les autres, réside dans la position qu'occupe
l'église, en retrait par rapport à la place publique, dont elle est séparée par un
îlot d'habitations.
.
- Le modèle aquitain qui est celui de Monflanquin.
La diffusion de ce modèle est assez précisément localisée dans la zone
géographique Agenais-Bazadais-Périgord. Par la suite, le modèle aquitain sera employé
indifféremment dans les Bastides Françaises comme Domme, et Anglaises comme Monpazier.
.
Dans ce modèle aquitain Monflanquin mérite un intérêt soutenu
dans la mesure où elle présente un double caractère de Bastide du XIII° siècle (1 ) :
.
Bastide en hauteur en même temps que Bastide classique à deux
axes perpendiculaires :
.
Monflanquin, c'est une évidence pour tous et de quelque
côté que l'on arrive, a été construit sur un pech ; ** fortement incliné vers le
Sud-ouest et présentant vers le Nord un à pic important.
.
. Dans cet axe Sud-Nord les bâtisseurs ont tracé deux
trajectoires majeures et parallèles allant de bas en haut et passant par la place
centrale : la rue Sainte Marie et la rue Saint Pierre , prévues assez larges pour
faciliter la circulation de véhicules d'où leur nom de "rues charretières" .
Aussi lorsque quelques années plus tard Villeréal est crée, la route de Villeneuve à
Villeréal passe par la rue Saint Pierre pour sortir à l'Est par la porte Saint André ;
ce qui donne un sens à ce dispositif de rues marchandes. A la perpendiculaire , deux
autres rues de même calibre , orientées Est-Ouest et passant également par la place
centrale : la rue de l'Union et la rue des Arcades . Le plan que nous offre la Bastide est
parfaitement orthogonal .
.
Ces grandes rues , adaptées aux moyens de transport
de l'époque et greffées sur une route reliant deux villes situées l'une au Sud et
l'autre au Nord , sont doublées de rues secondaires d'un gabarit moindre mais encore
suffisant pour le passage de chariots : la rue des Vignes , la rue Saint Nicolas ou encore
la rue du Laurés , toutes parallèles dans le sens Nord-Sud . Avec des perpendiculaires
comme la rue du Nord , la rue de la Restauration et tout en bas la rue de la Paix .
.
La voirie se complète de carrerots . Intercalés entre les rues
de plus grande largeur ils sont réservés en raison de leur étroitesse aux piétons . Le
carrerot des * Crugiers , le carrerot des Augustins ou celui de Bernard Palissy
complètent le damier urbain et délimitent avec l'ensemble des autres rues des
"carrierats" c'est à dire de quartiers ; lesquels ont longtemps servi de base
territoriale à la répartition fiscale .
La place ,
quadrilatère de 55 mètres sur 55 mètres , à la convergence des rues charretières qui
débouchent aux quatre angles pour ne pas perturber les échanges les jours de marché ou
de foire , est au cur de la ville. Sa ** Halle , semblable à celle de Villeréal ,
occupe alors le centre avec , sur piliers , la salle de réunion des consuls de la jurade. La conception des bâtisseurs souligne ici l'intention politique de la Charte des
Coutumes de donner un rôle reconnu en tant que tel à la représentation consulaire
.
Cependant , tout en respectant les normes ultra classiques de la
Bastide du XIII° siècle , Monflanquin offre une disposition presque symbolique de la
société de son temps . La maison dite du ** Prince Noir pourrait bien être celle du
représentant de l'autorité du souverain, d'où son nom. Or elle est en léger surplomb
par rapport à la Halle , tout en étant à l'ombre de l'église . Cette église qui ,
dans la situation imposée de retrait à l'Est dans la diagonale de la place consulaire et
marchande , n'en est pas moins en position dominante .
.
Ce qui rend subtile et complexe la relation symbolique entre la
place bourgeoise au cur de la ville , la maison seigneuriale intermédiaire et
l'église apparemment mise de côté mais puissante en réalité ....Pour ajouter à la
subtilité du lieu , le *** cimetière est sur la place du pech tout en haut de la Bastide
, établissant une relation forte pour l'imagination contemporaine entre la vie et la mort
. L'urbanisme participe de la riche complexité de l'imaginaire de l'époque Alphonsine .
.
Parcelles et Maisons.
.
Dans cet
urbanisme volontariste, fortement structuré, le parcellaire n'échappe pas à la
règle : les maisons se répartissent dans le découpage préétabli par les traceurs. De
plus, conformément au projet de société que sous-tend le phénomène des Bastides, le
parcellaire est égalitaire c'est à dire qu'en principe chacun des futurs habitants sera
doté de parcelles égales pour établir son habitation "l'ayral" et son
jardin "le cazal". La surface des parcelles d'habitation est très loin
d'être uniforme d'une Bastide à l'autre, mais la dimension la plus fréquente est celle
de la façade dont la largeur évolue dans les limites de six à dix mètres...A
Monflanquin la façade fait sept mètres cinquante pour une profondeur vingt cinq mètres
depuis la rue jusqu'au carrerot.(24)
.
Contrairement aux villes antérieures, orientées sur le château
ou l'église la place est l'élément ordonnateur de ce parcellaire. Cette place,
en priorité, puis la rue longitudinale attirent les façades tandis que l'arrière est
desservi par le carrerot. Dés l'origine il semble bien que des "pontets"
en encorbellement aient permis aux habitants de s'étendre en multiples excroissances
au-dessus des Carrerots.
.
Le plan
initial de la maison est imposé par le parcellaire. La maison sera étroite et en
longueur, dotée d' une cour sur l'arrière, vite récupérée par le bâti en raison de
la pression démographique; en effet un document, de 1289, nous apprend l'existence de six
cent vingt personnes intra-muros, moins d'une génération après.
.
La disposition de la toiture résulte de la mitoyenneté des
parcelles et des murs. La conséquence immédiate est que les faîtages sont
parallèles à la rue, ce qui rejette les eaux usées à l'arrière de l'habitation dans
la cour ou bien dans une "androne" parallèle au faîtage comme
par exemple derrière la maison Passelaygue , rue de l'Union. Le toit lui-même est à
faible pente et à tuile canal. Vu de la rue, la formule se traduit par une continuité
dans l'effet de façade: faire la comparaison de ce point de vue entre la Place de
Monflanquin et celle de Monpazier où les faîtages sont perpendiculaires à la façade.
.
Cependant quelques libertés sont prises parfois avec ce schéma
général. Carrerot des Augustins une série d'andrones longe des maisons dans un sens
perpendiculaire au faîtage, la salle des consuls par exemple. Est ce le signe d'un
changement du faîtage initial ou plutôt richesse de précaution dans un quartier dont
les habitants avaient les ressources nécessaires à ce luxe ? Mais observation générale
et qui éclaire d'un jour différent ce choix: Les andrones de Monflanquin ont toutes une
orientation Est / Ouest.
.
La maison habituelle comporte un rez de chaussée et un ou deux
étages avant grenier..... Le rez de chaussée fonctionnel, à usage
commercial, possède une pièce professionnelle en façade et une pièce à usage varié
à l'arrière, enfin la cour ou les communs donnant sur le carrerot par où le cheval
parfois mais plus souvent volaille ou porcs ont accès...... A l'étage deux
salles, séparées par une cloison, se partagent l'espace disponible. Une cheminée
agrémente la première en façade; cheminée dont on découvre encore aujourd'hui les
vestiges sur des pans de murs de maisons disparues : carrerot des Augustins, derrière le
Temple. Cette cheminée implique au XIII° siècle à la fois cuisine et salle à manger,
au total un vivoir....... La pièce de derrière est souvent équipée d'un évier et de
latrines donnant sur l'andronne qui recueille les eaux usées...... Entre les deux niveaux
s'intercale un entresol affecté au stockage des marchandises, pièce
éclairée chichement par un petit fenestron rectangulaire....... Tout en haut, sur
l'ensemble de la maison se superpose un grenier .... La façade traduit
la distribution intérieure par l'ordonnancement des ouvertures en registres horizontaux :
c'est le cas entre autres de la maison à l'angle Nord-Ouest de la rue des Vignes et de la
rue de l'Union ou bien la maison Passelaygue dans cette même rue de l'Union. (25)
.
Les maisons XIII° - XIV° siècle
.
Les maisons XIII° - XIV° siècle, contemporaines des débuts de la bastide et dont
Monflanquin garde le témoignage, sont en pierres. Par exemple la maison à l'angle
Nord-Est rue des Arcades / rue Ste Marie.(26)
.
Les pans de bois utilisés en ce même XIII° siècle n'ont pas
résisté à la guerre de Cent ans. De sorte que, conformément à l'ensemble des
constructions en pans de bois très largement répandues dans le Sud Ouest, les maisons en
bois de Monflanquin ne peuvent guère prétendre à une datation antérieure aux XV°
siècle.
.
La guerre de Cent ans en effet a interrompu durablement la
construction entre 1350 et 1430. La paix revenue on assiste surtout au développement
spectaculaire de la construction à pans de bois, lesquels s'affirment à partir de cette
période comme le matériau de la reconstruction par excellence......
"Préfabriquées" en atelier, chacun des éléments étant désigné par une
marque distincte, les façades de charpentes posées entre * gouttereau maçonnés offrent
l'avantage d'un montage rapide et se révèlent tout à fait adaptées à la
reconstruction en milieu urbain.
.
Rue de l'Union l'une des maisons à colombages conserve les marques que traçaient au sol
les charpentiers avant montage : une sorte de numérotation en bâtonnets superposés
horizontalement en nombre croissant, auquel succède le X de la dizaine...(26)
.
Par rapport au type d'architecture rencontré au XIII° et XIV°
siècles où la façade en pierres est un ensemble composé, calibré, presque
stéréotypé, la maison à pans de bois des XV° et début XVI° siècles, après la
guerre de Cent ans, s'individualise. En effet la fenêtre à croisée, permise par les
progrès de l'huisserie et du vitrage, autorise une certaine liberté dans la répartition
des percements.
.
Les études récentes (28) de dendrochronologie, c'est à dire de
datation par l'analyse du bois, confirment ce que l' histoire et l'architecture nous
enseignaient déjà; à savoir que les poutres sont en chêne du XV° siècle, ce qui
exclue que nous soyons en présence de maisons du XIII° , la question restant posée de
définir si nous sommes en présence d'une construction première ou d'une reconstruction
après destruction passagère.
.
Sur la place des Arcades le problème est d'importance..... Car si
nous sommes en présence d'une construction première cela veut dire que les cornières,
datant du XV° siècle, ont été construites longtemps après les maisons bordant la
place dés le XIII° siècle..... Par contre s'il s'agit d'une reconstruction, on peut
retenir l'hypothèse de cornières construites presqu'en même temps que les maisons au
XIII° siècle, sinon en même temps.
.
Quoiqu'il en soit, les neuf prélèvements opérés sur le terrain indiquent que
le bois soumis à analyse tant sur la Place que rue de l'Union couvrent l'ensemble du XV°
siècle et le début du XVI°. Ce qui correspond aux estimations classiques que l'on a pu
faire d'une façon générale.
.
Au total la maison de la bastide Alphonsine, ainsi retouchée
courant XV° siècle, n'en a pas moins utilisé dés le XIII° siècle le bois et le
torchis en supplément de la pierre bien taillée et calibrée. La dimension de certaines
demeures dénotent une différenciation sociale importante, la maison en est le premier
indice en même temps que l'instrument. En définitive trois caractères fondamentaux
transparaissent dans cet habitat XIII° siècle de Monflanquin : la maison en hauteur
résulte non seulement du manque de place mais aussi d'un phénomène culturel; les
maisons sont sur la rue et largement ouvertes sur elle; les maisons sont à l'alignement
les unes des autres.
.
Puits et Citernes.
.
Pour être complet il ne faut pas oublier les puits et les citernes qui ponctuent
le tissu urbain.
.
Lieu public, appelé à une fréquentation quotidienne, notamment
de la part des femmes, le puits a bénéficié dés la construction des Bastides
d'emplacements privilégiés, aux points de rencontre de la vie communautaire, sur la
place même, devant le portail de l'église, dans la rue principale ou encore au carrefour
de deux rues. Il est évident que sans eau à disposition le projet d'implanter une
Bastide était exclu, d'où l'importance des puits.
.
A Monflanquin, la masse molassique des terrains sous jacents permet
la rétention d'eau à environ vingt cinq / trente mètres du point culminant du pech,
puis à profondeur décroissante en suivant de la pente de la surface. Il a donc été
possible de creuser les puits nécessaires à la vie de la communauté en respectant le
schéma classique à l'époque de leur implantation.
.
Dans la catégorie des puits collectifs : le puits
essentiel, parce que central, est celui creusé au bord de la Halle, côté Sud. Disparu
depuis peu, il mériterait de retrouver son emplacement tant il est indispensable à la
compréhension de l'implantation et du fonctionnement d'une Bastide. D'autant plus qu'il
ne présente aucune gêne même pour les plus modernistes d'entre nous...
.
Il n'en serait pas de même du puits de la rue Sainte Marie, le
fameux "puits des frères", dont le creusement au milieu de la
chaussée pose problème. Pourquoi cet emplacement où il n'a pu que gêner la circulation
dans cette voie charretière, rue principale de la Bastide menant à la place marchande?
.
Dans la catégorie des puits individuels les cours
ayant été occupées par les constructions, il est possible cependant d'en recenser
quelques uns. Que ce soit rue de la Restauration, rue des Vignes ou bien tout en haut du
pech derrière le collège. La liste de ces puits individuels se complète de ceux
creusés dans les jardins extra muros, tel le puits de Sarrau à mi-pente de la route du
cimetière actuel. Cette présence de nombreux puits individuels, particulièrement en
faveur dans les pays gascons, complète l'image type du modèle de Bastide que représente
Monflanquin.
.
En complément des puits il faut signaler la présence de citernes,
pratiquement une par maison. Ces citernes creusées dans le sol ont des dimensions
relativement modestes et dans la plupart des cas devaient être alimentées par les
apports de l'eau puisée au puits qu'il soit collectif ou privé, afin de servir de
réserve en cas de besoin.
.
Contrairement aux puits, les bassins des lavoirs sont
presque toujours exclus de l'enceinte des Bastide. Aménagés au pied des remparts ou
même à quelque distance de la ville, ils accompagnent souvent une fontaine accompagnée
d'un fronton. Les Cannelles ne dérogent pas au principe !
.
.
L'église dans
les Bastides est avant tout gothique, cet "art importé du Nord".
Entre l'ancien mode roman, voire les
églises
de Laurenque et Calviac, qui survit encore quelque temps dans les campagnes et le
nouveau style gothique, la charnière se situe aux alentours de 1250, au moment où
apparaissent les premières bastides d'Alphonse de Poitiers et tout particulièrement
Monflanquin.(22)
.
En effet l'édification de nouvelles églises dans le cadre des
Bastides a absorbé la presque totalité de l'activité de construction dans la période
1250-1350. De ce fait, il apparaît dans une large mesure une identité entre la mise en
uvre des programmes religieux propres aux Bastides et la mise en uvre sur le
plan général d'une architecture régionale par ailleurs originale. On l'a désignée
sous le nom de "gothique méridional", le portail de l'église de
Monflanquin en est une parfaite illustration. Nettement différent du gothique officiel
français qui s'imposait alors à Toulouse par exemple.
.
Cette architecture gothique des Bastides bénéficiera d'une très
large diffusion, à laquelle l'activité des Ordres Mendiants n'est certainement pas
étrangère. Dés 1215 les Dominicains participent à l'éradication des cathares et la
reconquête du Midi; cette action s'appuie sur l'Inquisition mais aussi sur le renouveau
d'une église plus proche du peuple, renouant avec l'éthique d'austérité héritée des
cisterciens. Dans un bâtiment plus commode pour la prédication et caractérisé à
Monflanquin à * l'origine par :
.
- vaste nef unique sans collatéraux rendant l'autel visible de
toutes parts.
.
- ample voûtement épaulé extérieurement par d'épais
contreforts très saillants comme ceux de l'abside encore aujourd'hui.
.
- Échelonnement de
chapelles
latérales, au nombre de sept à l'origine, ouvertes entre les contreforts.
.
- Existence d'un transept dont les murs de fond sont encore
visibles dans les maisons voisines rue des Arcades.
.
- nudité et austérité des volumes tant intérieurs
qu'extérieurs; recherche de l'unité de volume ou de l'effet de masse au détriment du
décor.
.
- Faible éclairement de la nef donc effet de
"muralité".
.
- Clocher-mur, formule de modestie partout répandue dans les
fondations purement rurales; à cela prés que la forme du pignon triangulaire central a
du être enrichie de deux tours disposées de part et d'autre.
.
- Portail mouluré sans sculpture, d'un effet très sobre.
.
Le programme de l'église réalisait la synthèse entre une
discrétion du décor, conforme à l'éthique rigoureuse que l'on attendait alors du
clergé et une ampleur de volumes que l'on attendait d'un monument représentatif de la
prospérité communale.
.
Ce type d'architecture convenait parfaitement aux exigences
propres à la Bastide. Il offrait peu de difficultés d'ordre technique aux constructeurs,
notamment grâce à la suppression de l'arc-boutant et à l'emploi de la nef unique, il
permettait de réaliser un programme ambitieux à peu de frais. Spacieuse, l'église
pouvait accueillir une population nombreuse et une communauté en expansion.
.
La sévérité de l'architecture la rendait facilement
défendable. A Monflanquin s'ajoute l'intérêt de l'emplacement dominant de l'église qui
renforce le rôle du clocher comme observatoire des environs; de plus son abside massive,
directement en surplomb au-dessus de la pente abrupte, participe de la défense du
pech.
.
L'église de Monflanquin offre cependant une particularité
que seule une observation attentive peut déceler quand on est à l'intérieur; plus
facile à repérer sur une photographie aérienne : l'église est
"déviée". Elle présente en effet la particularité d'avoir un axe pour le portail, un
autre pour la nef et un troisième pour l'abside.
.
Vers le milieu du XIX° siècle de nombreux historiens se sont
attachés à démontrer une volonté symboliste des bâtisseurs représentant la tête
penchée du Christ sur sa croix... Mais aucun texte du Moyen Âge ne l'atteste.(29)
.
Faut il y voir une recherche esthétique ? C'est alors le souci
d'un rattrapage dans la présentation des volumes qui prévaut et l'on se trouve dans ce
cas devant une explication purement technique : en effet les bâtiments ont été faits
sur la durée par étapes successives, d'où l'embarras en raison de l'absence
d'instruments d'une grande précision lors de la reprise pour faire un repérage exact.
Mais comme traditionnellement on commence par l'abside il est possible à Monflanquin,
même dans l' hypothèse d'une construction continue, que l'adéquation du porche avec la
rue Sainte Marie ait amené les constructeurs à ne respecter ni l'axe de l'abside ni
l'axe de la nef. Quelque soit la raison il n'en demeure pas moins que l'église de
Monflanquin peut être considérée comme une église déviée, à trois axes.
.
Le prieuré et le Couvent des
Augustins.
.
Un prieuré est installé dans la ville près de
léglise. Il bénéficie des revenus de la paroisse que lévêché revendique
également. Il est opérationnel dès les tous débuts de la Bastide : Etienne de Reilhac,
prieur de ce couvent, figure le 10 avril 1254 comme contractant dans l'acte de donation,
par l'abbaye d'Eysse en faveur d'Alphonse de Poitiers, du terrain pour édifier Villeneuve
sur Lot. Cette présence du Prieur de Monflanquin parmi les religieux d'Eysse est
instructive sur la relation entre les deux entités dés l'origine..... A l'époque ce
prieuré s'annonce comme simple et régulier de l'Ordre de Saint Benoît et membre de
l'abbaye d'Eysses.
.
En 1264, se règle un conflit classique entre l'Evêque d'Agen et
l'abbé d'Eysses à propos de la dîme "majeure" de Monflanquin jusque là
partagée par moitié entre eux. Cette transaction du 15 mars 1264 accorde cette dîme
majeure entièrement à l'Evêque et en compensation celle de Bias totalement à l'Abbé.
Après cet échange, le prieuré de Monflanquin, dorénavant sans revenus, aurait dû
être transféré à Bias et disparaître sur place. Il n'en fut rien. Le prieur fut
maintenu: il lui fut constituée une dotation aux dépens du curé, jusque là seul
bénéficiaire, en partageant les dîmes "mineures" sur le lin, chanvre, laine
et carnelage sur les agneaux, chevreaux, porcelets.
.
Le prieuré, ainsi maintenu en dehors de toutes règles, est une
sorte de monstre juridique auquel il est difficile d'assigner un état civil. De fait, les
religieux d'Eysses vont avoir l'adresse de faire nommer continuellement, à ce
pseudo-prieuré, un des leurs par des voies détournées c'est à dire soit par
assignations successives soit par signatures directement de la Cour de Rome.
.
Le Couvent des Augustin, autre bâtiment
religieux, mais cette fois à proximité de la Bastide .(30) "Assis
hors la ville sur le descendant de la montagne" le couvent des Augustins se situe au
"clos des pères" chemin des Fâcheries ; au Sud de Monflanquin entre le
chemin menant à Casseneuil et celui allant vers Villeneuve sur Lot.
.
A vrai dire, le contournement du règlement par le prieuré est
peut être facilité par le fait que les Augustins, Ordre tout juste naissant,
privilégient leurs rapports avec les évêques tout en jouissant de la bienveillance des
Papes souvent soucieux d'avoir des intervenants directement en relation avec eux. Deux
fers au feu est une vieille pratique....Par ailleurs il faut noter que cette querelle
entre l'Evêque et l'Abbé est très représentative de la vieille rivalité entre ces
deux hiérarchies religieuses et de l'effort de règlement qui se fait globalement au
cours du XIII° siècle.
.
Tout aussi caractéristique de la période est l'emplacement du
couvent aux portes mêmes de la ville naissante. Il y a là un effet de la prise en compte
par l'Église de l'émergence du phénomène urbain que va souligner au même moment la
taille de l'église gothique dans la ville même.
.
Aspect souvent sous-estimé, le
jardin.* Le couvent des Augustins a certainement eu son jardin comme le
voulait les usages de l'époque. Ce jardin du XIII° siècle est l'expression, comme la
Bastide elle-même, d'une mentalité sensible à une approche symbolique de
l'environnement; il s'agit ici de se soumettre aux principes esthétiques de la conception
symbolique du Paradis. La reconstitution récente d'un modèle de jardin du XIII° siècle
face à l'église permet de s'en faire une idée.(31)
.
On peut y observer la mise en uvre des caractéristiques
essentielles de la **mentalité médiévale de l'intime interdépendance qui existe entre
le macrocosme divin et le microcosme humain. En utilisant aussi bien les formes
géométriques que les nombres ou les couleurs.(32)
.
Cette approche analogique, s'ajoutant au concept du carré et du
cercle, donne la clé de l'esthétique structurale de l'homme du XIII° siècle au travers
de son jardin qui, de forme géométrique rectangulaire, est divisé en quatre sections
symétriques délimitées par deux allées perpendiculaires, figurant à la fois les
quatre fleuves de l'Eden et les bras de la Croix. Au centre, point de jonction des
allées, s'élève la Fontaine ou à défaut l'Arbre de Vie.
.
Hôpital et Maladrerie.
.
Les hôpitaux , très souvent, sont mentionnés dans les
chartes de franchise, le plus fréquemment confiés à un ordre religieux féminin. Rien
de tel à Monflanquin où l'hôpital Saint Jacques installé au Nord du cap del Pech
apparaît plus tardivement si l'on s'en tient à sa mention dans les textes.
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En ce qui concerne la léproserie, dont le nom
"Malaoudes" subsiste dans la toponymie locale, tout amène à penser que c'est
à cette époque que celle de Monflanquin s'installe, en tenant compte des prescriptions
contemporaines. Placée à l'écart de la Bastide et au Nord-Est elle évite les
"effluves malins" que les vents dominants ne manqueraient pas de porter vers la
population saine; cet effort diffus contre l'air corrompu correspond tout à fait aux
théories médicales du moment. On peut remarquer déjà à Gavaudun, dont la léproserie
précède dans le temps celle de Monflanquin, cet éloignement et cette orientation par
rapport aux maisons.
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Bien qu'Alphonse de Poitiers ait l'habitude d'adresser des
aumônes assez régulières aux établissements charitables de ses domaines, aucun texte
connu n'indique qu'il soit l'initiateur de la léproserie de Monflanquin. Alors faut-il
penser aux grands ecclésiastiques qui, chacun à leur manière, ont abondamment donné et
joué un rôle dans la création des léproseries. La proximité de l'église Saint André
dépendant de l'évêché d'Agen pourrait le laisser penser; d'ailleurs la présence d'un
ministère sacerdotal est vraisemblable. Mais là encore aucun texte n'atteste d'un acte
fondateur ni de l'exercice d'un encadrement.
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Cette léproserie n'est pas une réalisation isolée, bien au
contraire elle accompagne le mouvement de créations qui semble se réaliser en Agenais au
milieu du XIII° siècle; peut être à cause d'une recrudescence perceptible du fléau - de
un à cinq pour mille de la population est touché - mais aussi certainement en
raison d'un développement de l'assistance, de la solidarité et bientôt de l'hygiène
publique.
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En ce sens cette léproserie entre dans la problématique de
la société du XIII° siècle et des solutions envisagées; ce qui est globalement le cas
de l'urbanisme volontariste qu'illustre la Bastide de Monflanquin.
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- la rationalité de sa conception
- son plan urbain orthogonal à deux axes perpendiculaires
- son parcellaire égalitaire
- ses maisons de pierres ou de colombages
- ses puits collectifs et privés
- son église gothique
- son couvent des Augustins
- sa maladrerie
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Lessentiel pouvant être encore observé directement de nos
jours en se promenant.
Mais il ne faut surtout pas oublier son Histoire, qui nous offre
tout un ensemble de données qui concourent à faire de Monflanquin une .
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Bastide
Alphonsine caractérisée par :
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- L'acquisition par cession, préférée au paréage
- L'attention portée aux réactions autour de son émergence
- La systématisation de son plan sur un site escarpé
- Sa Charte des Coutumes conforme à la Grande Ordonnance
- Sa relation géopolitique avec Toulouse et les Capétiens
- Le choix d'une grande Baylie
- La prééminence des fonctions économique et administrative
- La préoccupation affirmée du rejet des Cathares .
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Il se confirme donc que si Monflanquin n'est pas le
modèle des Bastides - il n'en existe d'ailleurs pas - elle n'en est pas moins une
Bastide Alphonsine-type.