1256 - 2006
Anniversaire des 750 ans
de la Bastide de Monflanquin

 

Bastides du haut agenais

Urbanisme orthogonal

Les Remparts

Les Cathares

Charte de Monflanquin

     
Chronique dans "Sous les Arcades"
 
 
 

Février 2006  n° 483

1256 …  2006

750°  anniversaire de la Bastide

Un urbanisme orthogonal

 

 

Les Bastides de la première génération, une quinzaine environ établies autour de Montauban entre Tarn et Aveyron par les comtes de Toulouse au lendemain de la croisade des Albigeois, en sont les plus représentatives. Elles se caractérisent par une planification souple et discrète, pliée aux données du relief qui est l'élément structurant prioritaire.

 

Les Bastides de la seconde génération sont caractérisées par la cinquantaine de Bastides construites par Alphonse de Poitiers qui a érigé leurs créations en système..... Aux anciens tracés dépendants des contraintes du site ou du dénombrement préétabli de la communauté se substituent des programmes types, rationalisés, systématisés, adaptables à tous les cas de figure rencontrés, plus conformes à une politique véritable d'urbanisation qui elle-même se systématise

 

Le plan orthogonal de Monflanquin ignorant totalement la déclivité du site retenu prouve à l'évidence l'existence d'un tracé préétabli. Se pose donc le problème de la personnalité des concepteurs. Alphonse de Poitiers semble avoir fait appel dans un certain nombre d'opérations à un notaire royal d'Agen, du nom de Pons de Maynard, que l'on repère lors du traçage de Montréal du Gers, à Villeneuve sur Lot, Villefranche du Périgord, Castillonnés et probablement à Monflanquin . Peut on aller jusqu'à penser que Pons de Maynard est le concepteur de ces Bastides ?.

 

Il y a de fortes présomptions car toutes les Bastides dont il a la responsabilité sont établies sur un modèle identique, qu'il ne sera pas le seul à utiliser; on le retrouve notamment à Monpazier sous la responsabilité d'un "entrepreneur" Bertrand de Panissel, mais qu'il est le premier à mettre en œuvre dés 1252-1253 à Monflanquin. Dans cette hypothèse Monflanquin devient sous l'autorité de Pons de Maynard le prototype de la Bastide Alphonsine sur le plan urbanistique 

.

Par ailleurs les documents n'apportent aucune précision sur les techniques de tracé employées par les arpenteurs et les topographes de l'époque. De toute évidence le triangle de Pythagore (3-4-5), qui permettait de tracer les angles droits à l'aide d'une corde à douze nœuds, fut largement utilisé. Encore faut – il lire attentivement l’article 10 de la charte qui avance la notion de parcelles de 4 cannes sur 12. Tout se passe comme si la largeur des rues charretières, c'est à dire principales, avait

constitué la mesure unitaire des arpenteurs.

.

La méthode utilisée, le tracé systématique et la structure répétitive nous amène à la notion de rationalisation de l'urbanisme. L'efficacité du plan et la nouvelle esthétique du rationnel qu'il exprime, s'inscrivent dans un contexte idéologique en mutation lui aussi. Les Ordres mendiants diffusent à la fois de nouvelles structures de pensée et une architecture nouvelle, le gothique, qui partout se substitue aux anciennes formes romanes. Au même moment une bourgeoisie naissante de boutiquiers et de marchands se fait l'écho autour des mesures à grains et des "maisons de ville" de tout projet visant à exprimer une société ouverte et égalitaire, susceptible de se substituer aux anciennes sociétés rurales, fermées et hiérarchisées.

.

  La conception rationnelle de l'utilisation de l'espace qui prend ici son essor, l'Europe l'a utilisée en Espagne, Italie, Suisse, Tchéquie, Pologne, Grande Bretagne …. avant de l'exporter à St Louis du Sénégal, au Chili, aux Etats Unis.....après l'avoir héritée de l'Antiquité dont la connaissance avait été conservée dans les monastères.

 

L'hypothèse d'une tradition qui relie l'antiquité à la Renaissance et dont les Bastides constituent un des jalons permet de comprendre sous un angle nouveau le rationalisme en matière de lotissement urbain, lequel n'est pas né avec le mouvement moderne, mais procède d'une tradition millénaire où les exigences d'économie et d'efficacité des tracés, ajoutées aux dimensions constructives usuelles conduisent à des solutions voisines dans le temps et dans l'espace.

.

Cette prise en considération de l'aspect rationnel qui sous-tend la construction de la Bastide de Monflanquin illustre la mutation idéologique en cours qui dépasse l'analogie symbolique ambiante au XIII° siècle.

.

Un tel constat prouve, s'il en était besoin, que le Moyen Age n'est pas cette "sombre " période d'irrationalité que l'on brosse trop souvent et que son intérêt pour l'analogie des symboles ne doit pas masquer les symptômes de rationalité qui l'habitent et dont l'essor se confirmera progressivement.

Odo Georges